Rejouer aujourd’hui à un jeu aussi légendaire que Shenmue remplit mon cœur de joueur de joie. En effet, j’ai passé un nombre incroyable d’heures en compagnie de Ryo Hazuki sur la défunte (mais non moins inoubliable) Dreamcast de Sega. C’est pourquoi en attendant un Shenmue III que j’espère voir clôturer la saga avec brio, j’ai été ravi de mettre la main sur la version PlayStation 4 de la réédition HD de Shenmue I & II. Le poids des années passées se fait-il sentir ou bien le jeu est-il toujours aussi épique ? Réponse tout de suite.
Shenmue I & II : Toujours aussi culte ?
Impossible pour moi de vous parler de Shenmue I & II sans évoquer son scénario culte. On y incarne Ryo Hazuki, qui, un matin de décembre 1986, rentre chez lui et voit son père agressé par un mystérieux Chinois nommé Lan Di. Ce dernier veut récupérer un miroir qui apparemment est important et somme le père de Ryo de lui donner. Pour que sa menace soit efficace il met sur la balance la vie de Ryo. Incapable de sacrifier son fils, il livre le miroir au mystérieux étranger qui le condamne malgré tout à mourir comme un guerrier. Après l’avoir achevé, Lan Di s’en va et laisse seul Ryo avec le cadavre de son père. Plusieurs jours plus tard, Ryo décide de venger la mort de son père et de retrouver ce Lan Di et les hommes en noir qui l’accompagnaient. Et c’est pour lui (et donc par extension pour le joueur) le début d’une incroyable quête qui ne connait toujours pas de dénouement même après toutes ces années. Une simple quête de vengeance me direz-vous, mais c’est plus compliqué qu’il n’y parait puisque vous verrez que dans ce monde, tout n’est pas si manichéen. Mais je n’en dirai pas plus afin de ne pas vous gâcher la surprise. Sachez en tout cas que si le scénario en lui-même est toujours intéressant aujourd’hui malgré le poids des années le côté enquête a un peu vieilli.
J’avais peur en lançant le jeu de me rendre compte que mes souvenirs étaient biaisés par le temps et que finalement le titre de Yu Suzuki n’était pas si épique. Grosse erreur. Alors évidemment le gameplay a un peu vieilli même si la possibilité d’utiliser le deuxième stick de la manette pour faire pivoter la caméra rajoute un vrai plus (la manette Dreamcast ne possède qu’un seul stick et on déplaçait Ryo avec la croix directionnelle). Il s’agit en fait d’aider Ryo à retrouver des pistes le menant à Lan Di en menant une véritable enquête. Pour vous aider vous aurez le droit à un carnet récapitulant vos découvertes. Pour avancer il vous faut interroger les habitants pour découvrir comment retrouver les hommes en noir. Si l’idée est excellente elle pourra déstabiliser les nouveaux joueurs puisque pour faire avancer l’histoire on passe le plus clair de son temps à se balader et interroger les habitants. Car Shenmue possède un système de jeu réaliste. Ryo se lève tous les matins à la même heure et se couche le soir à 23h. Entre temps libre à vous d’organiser votre journée comme bon vous semble. Et c’est encore aujourd’hui l’une des plus grandes forces du titre : la liberté.
Si retrouver les assassins de votre père ne vous attire pas trop, rassurez-vous ce n’est pas les missions annexes qui manquent. Vous aurez largement de quoi vous occuper. Entre les sessions d’entrainement pour maitriser les différentes techniques de combat de Ryo, les achats divers de figurines de l’univers Sega, le chaton abandonné à dorloter (ou pas), fouiller chaque recoin de votre maison pour dénicher des secrets, acheter diverses bricoles dans les différents magasins ou encore trainer à la salle d’arcade pour jouer à Hang-On ou Space Harrier (Out Run et After Burner sont disponibles dans le deuxième volet) ou faire une partie de fléchettes, les moyens de tuer le temps ne manquent vraiment pas. Vous commencez le jeu avec 10 000 yens en poche et votre servante, Ine-san, vous laissera chaque matin une enveloppe avec 500 yens dedans. A vous d’utiliser cet argent comme bon vous semble. Personnellement j’ai dépensé un paquet d’argent dans les figurines à collectionner. C’est inutile certes, mais j’adore l’idée. Je parlais précédemment des techniques de combat. Sachez qu’en plus de celles de base, vous pouvez en apprendre tout un tas soit par le biais de parchemins soit parce que des habitants vous les aurons enseignées.
Le combat est en effet un élément central de Shenmue I & II. Ayant appris les arts martiaux avec son père depuis son plus jeune âge, Ryo possède ainsi une excellente technique de combat. A de (très) nombreuses reprises vous devrez ainsi affronter des adversaires (parfois en grand nombre) et si ces phases de combat peuvent être remportées même sans jamais avoir fait évoluer ses techniques, il faut savoir quand même que l’avoir fait facilite grandement certains combats. Ces séquences sont inspirées de Virtua Fighter (à l’origine Shenmue s’appelait Virtua Fighter RPG et avait pour héros Akira) et on peut donc tout à fait être très technique même si parfois la caméra fait un peu des siennes. Un bouton pour le poing, un pour les pieds, un pour l’esquive et un pour les projections. Loin de n’être que de simples défouloirs, les combats sont vraiment intéressants en terme de gameplay même s’ils se terminent souvent trop rapidement (surtout si vous avez entraîné préalablement vos différentes techniques). Dans tous les cas, le système de combat a su traverser les âges sans problème.
Parfois Ryo devra se battre mais en « cinématique ». Il s’agit de scènes avec des QTE (Quick Time Event) que Shenmue a démocratisé à sa sortie et dont se sont inspiré de nombreux titres comme God of War, Heavenly Sword ou encore Heavy Rain par exemple. Le système existait bien avant (coucou Dragon’s Lair) mais n’a reçu cette appellation qu’à la sortie de Shenmue. Le jeu est ponctué de QTE mais ces derniers ne sont jamais trop difficiles ou désagréables. Le tout est très instinctif et on se plait à les faire d’autant qu’ils apportent un certain dynamisme au jeu vu qu’en général Ryo combat ou poursuit quelqu’un par exemple. Si comme moi vous en avez un peu marre des nombreux QTE dans les jeux d’aujourd’hui, sachez que ceux de Shenmue étaient distillés intelligemment et n’étaient pas trop présents. Nous sommes donc loin des jeux récents qui en abusent pour tout et n’importe quoi. Il faut dire qu’ici ils sont funs et ça aide grandement à apprécier ce système. C’est probablement pour cela qu’ils sont devenus si populaires d’ailleurs. Ils sont vraiment bien intégrés dans le gameplay et à aucun moment ne font tâche.
Les phases d’action sont réussies mais les phases d’exploration elles ont pris un petit coup de vieux. La faute principalement à un déplacement du personnage assez archaïque et surtout une lenteur qui se veut réaliste. En effet, courir ou marcher est assez plausible mais la lenteur du personnage pour attraper des objets est assez lourde. Il faut regarder en vue interne les objets avec lesquels on souhaite interagir et ensuite valider avec une touche. Et l’animation est vraiment lente. Alors on s’y habitue mais ce n’est pas le plus pratique, surtout quand on fouille toute une salle à la recherche d’indices ou d’objets cachés. Ouvrir des tiroirs, des armoires et prendre des objets en main est plutôt laborieux. On ressentait moins cela à l’époque de sa sortie mais en 2018 il faut bien l’admettre, le gameplay de Shenmue I & II a légèrement vieilli. Cela ne remet pas en cause la jouabilité du jeu qui, hormis quelques caméras capricieuses, est un exemple d’ergonomie, mais cela joue en négatif sur le plaisir ressenti manette en mains. Le carnet de Ryo, accessible d’une simple touche, est très pratique pour savoir ce qu’il faut faire et ce que l’on a déjà fait auparavant. On est rarement coincé dans le jeu même s’il faut vraiment s’habituer au réalisme temporel.
La où le titre faisait fort à sa sortie c’est dans le réalisme qu’il proposait et soyons honnêtes, il est toujours au top à ce niveau-là. Loin d’un simple cycle « jour/nuit » comme dans beaucoup de jeux, Shenmue I & II voit son temps défiler réellement, avec les heures de la journée mais également les jours. Et ce n’est pas un simple gadget puisque cela régit entièrement le gameplay. En effet, si un personnage se trouve à un endroit aux alentours de 19h en général, inutile d’y passer à 13h ! De même, si on vous donne rendez-vous à une certaine heure n’y allez pas avec une heure de retard, la personne n’aura pas attendu. Et nous sommes dans les années 1980 donc autant vous dire que les smartphones ne sont pas de la partie ! Si vous voulez appeler quelqu’un pour des renseignements ou prendre des nouvelles utilisez le téléphone (à cadrans !) de chez vous, ou celui (payant) de la ville. Autre exemple, les magasins et autres lieux de vie (restaurants, coiffeur…) n’ouvrent qu’à des horaires précises, inutile de vous pointer dans un bar nocturne avant 19h vous trouverez porte close ! Ce réalisme avec les gens qui vaquent à leurs occupations selon l’heure de la journée rend l’aventure totalement incroyable et crédible.
Si le coeur du jeu a su (à part quelques aspects) traverser les âges sans problème, qu’en est-il de sa technique ? Alors que Sega a pris le parti de refaire intégralement les deux premiers Yakuza avec les épisodes Kiwami, ici nous n’avons droit qu’à un « simple » portage HD des versions Dreamcast. Alors certes, même si de nombreux fans réclamaient cette compilation, refaire entièrement des jeux qui ont failli couler l’entreprise n’était peut être pas la meilleure solution. Mais rassurez-vous, en voyant tourner Shenmue I & II on se rend compte à quel point les jeux étaient techniquement très en avance sur leur temps. La Dreamcast était à genoux et souffrait vraiment de faire tourner de pareilles bombes technologiques. Alors que la PS4, le PC et la Xbox One sont tranquilles vues leurs puissances respectives. Et c’est une bonne chose puisque par exemple à l’époque chaque changement de zone s’accompagnait de longs chargements qui ne sont ici que de l’histoire ancienne puisqu’à peine 2 ou 3 secondes d’écran de chargement servent d’intermédiaire. Le titre gagne ainsi en fluidité et en rythme. Graphiquement, même avec le lissage on reste proche de ce que proposait le jeu à l’époque avec bien évidemment une résolution bien supérieure ! Le travail fourni à l’époque sur les visages et les mains des personnages était impressionnant et même aujourd’hui, le titre a clairement très bien vieilli. Alors oui, on peut pester devant certaines textures floues ou peu détaillées mais ne pas reconnaître la qualité visuelle du titre serait de la mauvaise foi.
Beau, Shenmue I & II l’est assurément. Même s’il ne peut pas prétendre aujourd’hui rivaliser avec les dernières bombes techniques que sont God of War ou Horizon par exemple, il prouve qu’il était carrément en avance sur son temps à sa sortie. Par ailleurs, je parle de ces deux titres mais si on parle aujourd’hui d’open world ou de GTA-like, Yu Suzuki à la sortie de Shenmue, souhaitait populariser le nom « FREE » (pour Full Reaction Eyes Entertainment) pour désigner le genre de son titre. Il espérait vraiment que le nom se démocratiserait. Et puisque l’on parle de GTA, il faut savoir que ses développeurs ont avoué que sans Shenmue, jamais GTA III n’aurait été ce qu’il est devenu. Il est donc clair que l’on doit à Shenmue la plupart des titres en monde ouvert d’aujourd’hui dans un sens ! (oui je m’emballe peut être mais c’était tellement une claque monumentale à sa sortie que si vous l’avez vécu vous devez penser comme moi). Le titre nous plonge dans le Japon des années 80 avec moult détails de la vie quotidienne (le héros quitte ses chaussures en entrant dans la maison…) qui rendent le tout tellement crédible qu’on est immergés à la place de Ryo. Ce souci du détail est bien évidemment également présent dans le deuxième opus même si ce dernier prend place non plus au Japon mais en Chine.
Au rayon des nouveautés appréciables on notera la présence du mode 16:9 même si la plupart des cinématiques resteront en 4:3. L’interface de jeu a également été modifiée avec la montre de Ryo en haut à droite de l’écran pour ainsi savoir à chaque instant l’heure de la journée. Pratique. La véritable nouveauté de ce portage HD c’est la possibilité d’opter pour les voix anglaises ou japonaises. A l’époque cela n’était pas possible (seul le deuxième volet proposait les voix japonaises). Une excellente nouvelle qui me permet de m’immerger plus facilement dans l’histoire de Ryo en choisissant le japonais (le titre se passant au Japon il s’agit bien d’un choix logique). Mais le cadeau ultime de Sega aux fans de Shenmue c’est bien la présence exclusive de sous-titres en français ! Il faut savoir qu’à sa sortie originale, le jeu ne proposait que des sous-titres en anglais (comme la saga des Yakuza). Le travail qui a du être fait pour proposer une traduction complète est vraiment appréciable d’autant qu’elle est d’excellente qualité. Je n’ai pas encore parlé de l’ambiance sonore et si la qualité des thèmes (discrets) de deux jeux ne sont pas à remettre en cause tant ils sont toujours excellents, on peut s’attrister devant la médiocre qualité des voix. Les doublages sont bons, mais la qualité audio fait que parfois le son grésille ou n’est pas audible ce qui est franchement dommage. Au rayon des améliorations agréables on notera qu’il est désormais possible de sauvegarder à tout moment en se rendant dans le menu. Un vrai plaisir ! Pour ce qui est de la durée de vie, tout dépendra de comment vous appréhendez les titres, si vous chercher à les faire en ligne droite alors ils seront plutôt rapides. Mais si vous prenez le temps de flâner alors le nombre d’heures de jeu va augmenter de manière exponentielle. A noter que la date limite du premier Shenmue pour éviter le Game Over est le 15 avril 1987 ce qui vous laisse de nombreux mois pour vagabonder et collectionner les figurines.
Conclusion
Shenmue I & II est une compilation exceptionnelle. Elle permet à tous les joueurs de (re)découvrir un des jeux fondateurs d’un genre aujourd’hui indispensable dans le paysage videoludique. Alors certes, certains aspects du titre accusent leur âge (lenteur globale du jeu, rythme parfois en dent de scie, jouabilité assez spéciale, son de mauvaise qualité…) et quelques bugs viennent gâcher un peu la fête mais les ajouts (filtre HD, sous-titres en français (!!), déplacements au joystick, sauvegarde possible à chaque instant…) sont suffisamment intéressants pour qu’on ait envie de s’y (re)plonger à corps perdu. Si ceux qui connaissent le titre seront en terre connue et profiteront de la meilleure version de ces jeux, je ne peux que conseiller à ceux n’ayant jamais suivi les aventures de Ryo Hazuki de craquer devant un titre qui n’a au final pas vraiment perdu de sa superbe presque 20 ans après. Beau, travaillé, fun, avec un scénario incroyablement riche et un contenu gargantuesque, le père des open-world est de retour et il serait vraiment dommage de ne pas vous laisser tenter par cette quête de vengeance qui ne connaîtra une véritable fin que le 27 août 2019 avec l’arrivée de Shenmue III…
Graphismes: | |
Gameplay: | |
Bande-son: | |
Durée de vie: | |
Note finale: |
*Ce test a été réalisé grâce à une version presse du jeu sur PlayStation 4 fournie par Koch Media que nous remercions chaleureusement pour leur confiance.
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