Pokémon X, Pokémon Y mais pas d’épisode Z… En trois dimensions ?
3 ans après leur sortie, les premiers épisodes marquant l’arrivée sur 3DS (et en 3D s’il vous plait !) de la saga Pokémon héritent d’un petit coup d’oeil sur Band of Geeks. A l’heure où Pokémon Soleil et Pokémon Lune sont dans toutes les mains et sur toutes les bouches, replongeons quelques années en arrière pour voir comment la série a négocié son entrée tardive dans le grand monde de la 3D.
Evolution, /e.vo.ly.sjɔ̃/ nom commun, féminin :
Changement graduel qui modifie les conceptions ou les procédés.
Concept appliqué au compte-goutte depuis la création de la licence Pokémon, l’évolution est ici représentée par un fait marquant : le passage à la modélisation en 3D. Exit les sprites légèrement animés !
Mise en avant comme l’une des grosses nouveautés du jeu, on est de prime abord assez enjoué à cette idée, et l’envie de redécouvrir tous nos petits monstres et toutes leurs attaques sous une nouvelle (et logiquement définitive ?) représentation nous démange.
A part un framerate douteux qui chute inexplicablement pendant quelques affrontements, c’est réussi. Le Cel-Shading est incontestablement le meilleur moyen de retranscrire en 3 dimensions nos créatures préférées, et tient la dragée haute à la « simple » modélisation 3D du Pokédex 3D Pro (disponible sur l’eShop). Celui-ci renvoyait une vision assez froide et sans vie des Pokémons, on passait vite notre chemin, une fois la curiosité assouvie.
Les Pokémons sont donc globalement bien modélisés (on se surprend parfois à redécouvrir un Pokémon plus grand ou plus petit que dans nos souvenirs – les informations du Pokédex étant ici plus palpables qu’avant, puisque l’on voit les Pokémons évoluer dans un environnement en 3D). Bien modélisés, oui, mais peut-être pas suffisamment.
Avec deux ou trois animations par créature, sans comportements spéciaux, on est un peu déçus du manque de différence avec la génération Noir/Blanc.
Malgré tout, on est ici un cran au-dessus de la DS : les Pokémons respirent, attaquent, encaissent les capacités adverses, qui, soulignons-le sont capables d’être extrêmement dynamiques.
Malgré ces bons points, ce couple modélisation-animation ne parvient pas à rendre vraiment vivants nos Pokémons comme on le souhaiterait. C’est bien simple, les sprites survoltés de Noir et Blanc dégageaient infiniment plus de personnalité, une nervosité qui mettait un point d’honneur à briser la rigidité à laquelle la série nous avait habitués.
On comprend ce choix artistique sur DS à cause du relatif manque de puissance de la machine, mais sur 3DS, même avec 718 monstres, le résultat reste assez syndical.
Le studio, même à l’époque de la 2D statique, n’a jamais été reconnu pour ses talents de modélisation, mais le style 2D mignonne faisait son petit effet (sans pour autant effleurer le pixel art).
Les Pokémons ne sont malheureusement pas les seuls à écoper des tares du passé. Si techniquement les environnement sont évidemment plus fournis et agréables à l’oeil qu’ils ne l’étaient sur DS, leur création n’a subit aucune modification : le monde entier est toujours gouverné par cette géométrie barbare et peu expressive : le carré. Le monde est donc toujours gouverné par des cases, comme en témoignent les déplacements du personnage principal avec le D-pad. Même si les créatifs au travail sur le jeu ont vu s’agrandir l’horizon de leurs possibilité, ils n’en restaient pas moins contraints par les mêmes limitations que pour les épisodes précédents. Malgré ce nouveau moteur, l’évolution est donc d’ordre technique, et non artistique. Je suis convaincu que la 3DS peut mieux faire, si on y met un peu du sien.
C’est peut-être ça le problème.
Régression, /ʁe.ɡʁɛ.sjɔ̃/ nom commun, féminin :
Marche en arrière, régressive.
Malgré l’aspect technique qui remplit globalement (mais un peu grossièrement) son rôle, donc, il est triste de se rendre compte que tous les efforts lui ont été entièrement consacrés.
Alors que les versions Noir et Blanc essayaient pour la toute première fois de casser quelques codes ancrés dans la série, et proposaient une vision des choses légèrement plus mature et différente (toute proportion gardée avec les autres opus de la licence), on retombe ici dans le plus enfantin, voir bénin des voyages.
Quatre amis niais comme la pluie suivent un chemin tracé de long en large (mais pas trop) au travers d’une histoire qui tiendrait sur un timbre-poste. Jusqu’ici, pas de surprise (bonne au mauvaise)… mais la rechute est frappante, douloureuse même depuis Noir et Blanc ! C’est triste à dire, mais jamais la série n’avait atteint un tel niveau de médiocrité (le mot est fort, mais marquons le coup).
Le public des années 1990 a maintenant grandi, et la nostalgie ne suffit plus à excuser le reste. Ce n’est pas la présence importante de Pokémons de la 1G qui fera beaucoup pencher la balance.
La politique de Game Freak et de Nintendo est, je pense et je le comprends, de viser la même audience qu’à l’époque, mais on dirait qu’ils veulent dorénavant chercher le public encore plus jeune. C’est bientôt tétine en bouche que les bambins captureront leur premier Pokémon avec ces versions. Si ce n’est pas déjà le cas.
Jamais une aventure de la licence n’a paru aussi dénouée de sens, de but, et ô combien fade. La faute à des choix et des raccourcis empruntés -je pense- consciemment, qui rajoutent des chaines à une série déjà bien prisonnière de ses fondements.
Parce qu’on attend souvent d’une suite une réutilisation astucieuse des mécaniques déjà connues, des ajouts et des modifications d’éléments sans toujours tout chambouler, on est en droit d’être déçu à chaque nouvelle version des Capsules Monsters.
Chez Game Freak, il semblerait que le conservatisme prime sur le progressisme.
Ainsi, au profit d’une nouveauté (d’un intérêt bien souvent tout relatif) on dit adieu à quelque option d’ergonomie bien sentie lors de la génération précédente (et bien souvent lors des années remakes, curieusement). En l’honneur de l’arrivée d’une grande ville voulue vivante et regorgeante d’activités (enfin, si vous êtes adepte du café seulement), on écope de chemins de traverse étonnamment courts, et sans intérêt aucun. Certains se contentent même d’être de simples lignes droites avec un angle de caméra inédit. Pas de rencontre, pas d’objets, rien. Des petites virées à dos de Pokémons sont sûrement des tentatives des développeurs pour offrir au joueur quelque chose de nouveau. Ah ça, oui, c’est nouveau, mais sans grand intérêt. Mignon tout au plus. Elles gagneront en intérêt dans le futur, en remplaçant avantageusement les CS dans Pokémon Lune et Soleil.
Les villes n’ont jamais été aussi proches les unes des autres, et ce n’est pas la demi-seconde nécessaire à en faire le tour qui étanche notre soif de découverte. Vous passerez plus de temps dans Illumis (pour tenter de vous y retrouver, merci la caméra) que dans toutes les autres cités Kalosiennes. Mention spéciale à Bastide, seule ville à visiter en post-game qui ne contient absolument rien d’autre qu’une maison de combat. C’est sûrement la plus grosse déception de ces versions.
Ça oui, la France dans Pokémon, c’est la France des Japonais : Paris. Le clin d’œil est amusant, les clichés sont mignons, mais sortie de la Ville Lumière vous croiserez au choix des châtelains, des ouvriers du nord ou des menhirs. La pauvreté des villes frappe et on brûle des idoles désespérément pour voir venir une vraie cité jusqu’au 8ème badge. Après la Ligue, on n’espère plus, on pleure (parce que c’était facile, et qu’on n’a plus rien à faire. Par contre la Ligue c’est joli. Voilà voilà).
Le jeu aborde un point scénaristique plutôt incongru : la surpopulation. Il y a trop d’humains et trop de Pokémons sur la planète. Forte de ce constat, la Team Flare veut réveiller une arme ancestrale qui, capable de ressusciter les morts, peut aussi les condamner au silence éternel.
Ça a l’air bien comme ça, mais même si la demi-molle pointe le bout, cette partie du scénario dure 30 minutes (sur les 30 généreuses heures que vous offre, ou vous fait subir le jeu) et ne concerne en rien le reste de l’aventure. Les 8 badges sont fastidieusement alignés, sans saveur, dans un plan scénaristique largement dissocié du reste.
Le plus drôle, c’est le parallèle que l’on peut faire avec la situation de la licence elle-même. Il y a trop de Pokémons, et on doit trouver une solution. Monsieur Team Flare s’est dit qu’avec une extermination massive de toutes les personnes qu’il aura jugé insuffisamment regardable (je cite presque mot pour mot) de la planète, on tenait là une super solution. Il serait effectivement judicieux de botter en touche quelques Pokémons d’une utilité douteuse, mais non, on ne peut décemment pas faire comme ça.
Game Freak a donc trouvé une parade plutôt astucieuse : la Méga-évolution.
En transformant un Pokémon de manière éphémère, le temps d’un seul combat, on apporte le Saint Graal à des fans plutôt contents, et à des designers bien soulagés. Leur désespoir dans la création de nouvelles créatures étant devenu abyssal, il doit être plus facile pour eux de retravailler sur une base déjà existante, en ayant pour but de ne pas trop se fatiguer non plus, afin de garder l’esprit de base qui habite le monstre.
Sur le papier, donc, c’est bien. C’est bien, mais ce n’est pas ça. Si l’animation de la transformation elle-même est un exemple de dynamisme, la forme de ces nouveaux Pokémons est souvent discutable. Ca, chacun en sera juge, le goût régnant ici en maître. Là où la contestation est inenvisageable, c’est sur l’utilité intrinsèque de la chose : sur le gameplay, ces méga-évolutions apparaissent comme un coup d’épée dans l’eau. Hormis l’exception Kangourex, qui voit sa capacité offensive doubler à chaque tour grâce à l’aide de son petit (il attaque en même temps que sa mère, chaque attaque touche deux fois), ne vous attendez pas à renverser l’issue d’un combat après une transformation : votre Pokémon sera plus beau, plus laid, c’est selon, mais c’est tout.
Si la Méga-évolution règle en partie le problème, Game Freak a également jugé utile d’apporter un peu de changement dans des habitudes meurtrières prises depuis la 3G : l’avalanche de Légendaires.
Pour la première fois depuis 10 ans, le nombre de Pokémons mythiques dans une version se compte sur les doigts d’une seule main, une ! Ils sont trois : Xerneas, Yveltal, Zygarde. Simple, sobre, plutôt efficace.
Qu’on les aime ou pas, il faut reconnaitre que c’est un soulagement de profiter de cette version « light » de la cuvée 2013. Même si depuis la sortie des jeux un trio de légendaire (de base inexistant dans ces versions !) a fait son apparition avec des doubles types plutôt improbables, on est tout de même content de ce changement : la désignation de « légendaire » retrouve un peu de noblesse (6).
Si à l’avenir, Game Freak continue sur sa lancée, il serait juste d’espérer une évolution à des Pokémons qui en manquent parfois cruellement, et une limite au massacre des nouveaux arrivants. A noter que les nouveaux starters innovent dans leur conception (Goupelin et sa petite branche de feu, ça a le mérite d’être original) mais manquent un peu de charme. Pas d’inquiétude, un second starter vous sera offert, parmi les meilleurs : ceux de la 1G !
Au rang des nouveautés concrètes et améliorations bienvenues, on note l’apparition du type Fée, le pourfendeur de Dragons. Un peu trop, même : il y est immunisé. Je trouve la balance un peu violente pour les dragons, même si ce type a toujours été sur-représenté au sein des champions ou des membres du conseil. Il a cependant l’avantage de redorer un peu le blason des Pokémons Poison, depuis toujours en retrait.
Sans chambouler de A à Z la table des types, les Fées arrivent comme un cheveu sur la soupe pour bousculer un peu les habitudes. Cependant, les adeptes du type Fée seront je pense en nombre réduit : surtout représenté par des petits Pokémons chétifs et mignons, c’est bien des attaques de type Fée lancées par un Pokémon d’un autre type dont les Dracophiles devront se méfier.
Des combats à thèmes plutôt bien vus font leur apparition : combats de horde (où vous rencontrerez 5 fois le même Pokémon, mais de niveau moindre), combats aériens (où seuls les Pokémons volant sont autorisés) et enfin, un homme vous proposera un combat de types inversés ! L’idée est simple, mais fonctionne terriblement bien ! On pense bien faire en envoyant un Pokémon au combat, avant de se rendre compte qu’il sera ici désavantagé à cause de la nature particulière de cet affrontement. On en redemande !
Pour être plus terre à terre, il est bon de savoir que la sauvegarde est maintenant quasiment instantanée, que les musiques bénéficient d’un soin plus particulier que d’habitude, et que le personnage est enfin dirigeable en diagonale ! Sans atteindre la liberté d’un Golden Sun sur GBA, sorti en 2001, il est plaisant d’avoir une amélioration sur ce plan (même si quelque peu gâché par l’ajout des rollers et la conservation du level-design carré).
La Pokébank, annoncée en grande pompe avant la sortie du jeu, permettra à tous les Poképhiles de stocker, moyennant finance, une énorme quantité de Pokémons sur des serveurs. Dans l’idée, on ne peut qu’apprécier. Par contre, si les échanges inter-génération sont toujours possibles, c’est encore une fois à sens unique. La 6G, c’est un aller simple, et on ne discute pas. Alors que le tout est parfaitement réalisable, Nintendo s’échine depuis toujours à restreindre ces échanges à une utilisation unilatérale. Impardonnable selon moi, qui hésite encore à transférer ma Pokéthèque depuis Noir et Blanc.
Tant qu’à parler des déceptions, autant parler de ce point qui reste un très grand mystère pour moi : pourquoi systématiquement inventer des mini-jeux pour combler l’écran inférieur de la (3)DS quand celui-ci pourrait multiplier l’ergonomie du jeu par cent ? C’est incompréhensible : exceptés HeartGold et SoulSilver, c’est à chaque fois à une myriade de passe-temps inutiles et insupportables que ce second écran est consacré. Exception faite du SPV, qui permet de gérer les EV de vos Pokémons, même si cela ne concernera qu’une mince frange de la population de joueurs et joueuses.
Game Freak montre avec X et Y plus que jamais la limite de son studio : 718 Pokémons à modéliser, ça demande des sacrifices. Pour la 6G, le sacrifice on le connait désormais : un soin plus relatif à la forme au détriment du fond. N’en déplaise, le jeu reste tout de même long (visez 30h pour triompher de la maitresse, et quelques courtes heures pour le post-game) et occupera bien longtemps tout Pokéfan qui se respecte (en fermant un peu les yeux quand même).
C’est en rallumant Noir/Blanc ou même Platine (mais c’est un peu plus dur) que les amoureux de Pokémon se rendront compte d’une chose : l’argument de la 3D ne suffit pas complètement à rester sur ces versions après le générique de fin. Pas plus que les nouveaux Pokémons ou les Méga-évolutions. Reste que l’on revient rarement sur des anciennes versions lorsque les nouvelles sont disponibles. Moi-même, j’hésite.
Puisque le jeu était techniquement en place, je priais pour une version Z entièrement remaniée, à l’intérêt rehaussé, ou un remake de Rubis et Saphir à la hauteur des jeux originaux. La modélisation n’étant plus à faire, il y avait fort à parier que les opus suivants marqueraient l’apogée de la série. Hélas, il n’en fût rien.
Malgré l’avènement des 3 dimensions, attendez-vous tout de même à des épisodes pauvres en relief, d’un calme plat, mais auxquels on pardonne les errances une fois la déception acceptée.
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