Dead Cells : la mort n’est que le début des ennuis.
Un titre atypique
Dead Cells est quelque peu déconcertant, à commencer par son titre à la fois vaguement morbide et qui ne cherche pas à en imposer. Quand d’autres développeurs font de vous un dieu de la guerre, le studio bordelais Motion Twin vous propose d’incarner des cellules. Des cellules mortes, avec ça. On ne sait trop quel crime a commis ce condamné dont on voit chuter le corps dans une prison sinistre, ni quel est cet amas de cellules qui colonise son cadavre et entreprend une ambitieuse évasion, sans se laisser démonter par les intempestives destructions de son hôte, ni quelle est cette île vivante qui se transforme d’un parcours sur l’autre. Survivez ! Même si vous ne savez pas très bien comment ni pourquoi.
Point de tutoriel ; catapulté dans un milieu immédiatement hostile, vous découvrez au fil du jeu ses principes élémentaires. On se lance dans l’exploration de l’île-prison, on prend des forces, on s’équipe, on active des portails de téléportation, on nettoie l’endroit, on meurt, et on recommence. Dead Cells est un die & retry, un rogue-lite : un jeu (très) difficile basé sur une succession de niveaux générés aléatoirement, qui ramène le joueur au tout début à chaque défaite. Vous pouvez quitter le jeu à n’importe quel moment et retrouver votre personnage là où vous l’avez laissé, mais cette sauvegarde est à usage unique (saluons néanmoins cette option que j’aimerais voir dans n’importe quel jeu).
Gameplay « rogue-litien »
Vous recommencez, mais souvenez-vous, l’île change. En partie du moins. Les niveaux de Dead Cells restent liés les uns aux autres de la même manière, conservent la même apparence, hébergent les mêmes ennemis, comportent les mêmes portes minutées ou payantes et recèlent les mêmes trésors. C’est l’agencement de leurs sections qui change. Cela ne rend pas Dead Cells spécialement varié, mais empêche que le joueur se retrouve en terrain parfaitement connu, sans le déstabiliser tout à fait : ce sont toujours les mêmes stratégies que l’on doit déployer pour surmonter pièges et ennemis. L’élément de surprise est donc assez important pour maintenir le joueur en alerte, mais assez modéré pour ne pas poser de difficulté trop injuste.
Le gameplay est intuitif, à la fois simple et riche. Dès le départ, Dead Cells procure de belles sensations de rapidité et de puissance, et donne envie de faire la course – ce qui n’est pas forcément opportun pour les débutants. Les niveaux sont labyrinthiques, mais les cartes permettent de se repérer rapidement, et les téléporteurs d’écumer le niveau en un temps minimal. Les déplacements et attaques des ennemis sont prévisibles sans être simplistes.
Dead Cells offre deux modes de progression possibles : l’exploration méthodique du niveau et la récolte de ce qu’il contient, ou bien la course, qui permet d’ouvrir à temps des portes minutées. Attention cependant : ces portes ne remplacent pas tout à fait l’exploration, et il est dangereux de bâcler celle-ci quand on n’est pas sûr d’arriver à temps.
Autre manière de proposer plusieurs styles de jeu, les armes sont nombreuses alors que vous ne pouvez transporter que quatre pièces d’équipements (il y a deux places pour les armes blanches, arcs et boucliers, et deux autres pour les grenades, pièges à loup et autres). Vous pouvez en ignorer la plus grande partie et vous contenter des remplaçants naturels de l’épée, de l’arc ou du bouclier du début, mais il est plus intéressant d’expérimenter diverses associations d’objets pour trouver le style de combat qui vous convient le mieux, et sera le mieux adapté aux monstres de chaque niveau.
Quoi que vous fassiez, vous mourrez, encore et encore, mais vous conserverez plusieurs choses. D’abord, tout ce que vous achetez avec les cellules que lâchent les ennemis ou renferment les coffres : la possibilité de boire une ou plusieurs potions de vie à chaque niveau, de garder telle somme d’argent, de trouver tel objet dans les niveaux, etc. Ensuite, les runes, qui donnent par exemple le pouvoir de transformer un gloubi-boulga verdâtre en plante grimpante. Dead Cells joue sur la collectionnite du joueur, bien sûr, mais surtout, il lui promet constamment une meilleure performance. Ce système peut être stimulant et atténuer la frustration des échecs à répétition, mais il peut tout aussi bien lasser, car il a quelque chose de pervers : il encourage le joueur à farmer plutôt qu’à faire chaque parcours comme s’il pouvait venir à bout du jeu, ou du moins il ne le pousse pas à exploiter au mieux des ressources limitées.
C’est d’autant plus gênant que le personnage, quoiqu’immortel, est fragile (on ne peut pas tout avoir), et que certaines situations paraissent excessivement frustrantes. Ainsi, quand quatre, cinq ou six ennemis sont au même endroit, la situation peut devenir confuse, voire inextricable, et la fuite n’est souvent viable que du côté du niveau purgé de ses monstres, lequel n’est pas forcément accessible.
Une direction artistique travaillée
Sur le plan artistique, Dead Cells offre un de ces styles en pixel-art qui jouent sur la nostalgie des plus vieux (vous commencez à entrer dans cette catégorie si vous avez connu le passage à la 3D), et met le développeur au défi de faire beaucoup avec peu de moyens. Et sans atteindre à la beauté d’un Owlboy, Dead Cells parvient à une jolie atmosphère douce et lugubre, grâce à des palettes de couleurs proches et des contrastes mesurés, un air toujours un peu troublé et des extérieurs donnant une impression d’immensité, voire de vide. Motion Twin a façonné un univers indifférent à la brutalité des combats et teinté d’un gentil humour noir, où les cages de pendus ont quelque chose de poétique.
Motion Twin évite en outre le manque de lisibilité qui guette les jeux en 2D visuellement riches : je n’ai jamais eu de mal à distinguer ce qui est interactif de ce qui ne l’est pas (ce qui m’est arrivé dans Owlboy), ni à voir les ennemis ou leurs attaques.
Conclusion
Dead Cells ne plaira pas à tout le monde : je fais partie de ceux qui jugent ce système de jeu insatisfaisant. Mais je suis bien obligé de reconnaître que ce que le jeu choisit de faire, il le fait très bien. Pas de surprise de ce côté-là : si vous estimez que je me plains de problèmes qui n’en sont pas, vous ne serez pas déçu.
*Ces impressions ont été rédigées grâce à un code de téléchargement Steam gracieusement offert par Motion Twin que toute l’équipe remercie chaleureusement.
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