Test de Hell is US [PC]

Découvert à l’occasion du festival des démos Steam en juin dernier, Hell is Us est le premier projet original du studio Rogue Factor (filiale canadienne de Cyanide Studio, basé en France et fondé en 2000 par d’anciens employés d’Ubisoft) à qui l’ont doit deux titres issus de l’univers Warhammer 40k : Mordheim, City of the Dead sorti en 2015 puis Necromunda : Underhive Wars en 2020.
Il aura suffit de la petite heure et demie nécessaire pour terminer ladite démo pour percevoir tout le potentiel de cette nouvelle IP. Les inspirations sont nombreuses et assumées pour ce mélange des genres qu’est Hell is us, et les ambitions du studio sont claires : prouver tout le savoir-faire créatif des 55 personnes qui le composent, avec en tête Jonathan Jacques-Belletête, auparavant directeur artistique chez Eidos (Deus Ex, ça vous dit quelque chose?), qu’il quitte en 2019 pour rejoindre Rogue Factor.

Le jeu s’offre une introduction digne d’une production Netflix à gros budget (les développeurs évoquent d’ailleurs le film Annihilation comme source d’inspiration) avec un interrogatoire qui démontre immédiatement tout le soin apporté à la mise en scène et aux dialogues, et pose les bases d’un scénario intriguant. S’en suivent alors les premières séquences de jeu qui finissent d’achever notre curiosité : nous sommes en lisière d’une forêt oppressante, loin derrière une maison en ruine au milieu d’une clairière défigurée par les bombardements, une tour de pierre géante à l’architecture inquiétante perce la brume.
Le temps d’apprendre les mécaniques du jeu et cette première zone tutoriel (celle de la démo) se termine sur un générique à l’esthétique léchée, qui n’est pas sans rappeler la série Dark.
Au cas où vous en doutiez, Rogue Factor a mis les bouchées double pour son nouveau bébé.

Le décors est planté

Rémi sans famille

Le jeu nous met aux commandes Rémi, la quarantaine, ancien militaire décoré tout juste infiltré à Hadéa – sa terre natale, où il n’a pas mis les pieds depuis ses 5 ans et où se déroule le jeu – à la recherche de ses parents, qu’il espère encore en vie. Nous sommes en 1993 et une guerre civile entre deux ethnies autochtones fait rage dans la région, d’étranges créatures blanches sont apparues, et toute entrée et sortie est interdite : Hadéa est coupé du monde. Pour tenter d’endiguer les évènements, les nations unies envoient les Pacificateurs sur place pour tenter de porter assistance aux habitants. Rémi est l’un d’eux.

Cette première vraie grosse zone est l’occasion pour le jeu de nous montrer sa structure et son fonctionnement. On en trouve les principaux ingrédients en quantité généreuse : des créatures à éliminer, des personnages à aider et des mystères à élucider.

On tape d’abord, on pose les questions ensuite

Mettons tout de suite les points sur les i : malgré tout ce qu’on peut lire sur internet, non, Hell is Us n’est pas un souls-like. Les combats y ressemblent peut-être de loin – il faut gérer consciencieusement son endurance – mais relèvent en réalité bien plus du jeu d’action/aventure classique (à l’image d’un Darksiders au cas où vous ne pourriez pas vous passer de comparaison).


On triomphe de nos ennemis à l’aide de plusieurs types d’armes dites « lymbiques » (les émotions sont l’une des thématiques principales du jeu) avec lesquelles on enchaine des coups simples, ou on charge un coup fort. Pour les faire évoluer, il faudra choisir une sphère lymbique à leur assigner qui permettra de les renforcer, de leur donner une apparence différente mais aussi et surtout de leur assigner des glyphes lymbiques, les compétences d’armes du jeu. Il existe 4 sphères lymbiques : la Rage, le Chagrin, la Terreur, l’Extase. Chaque glyphe d’une sphère lymbique ne peut s’équiper que sur une arme de la même sphère lymbique (à l’exception des glyphes neutres, qui sont compatibles avec n’importe quelle arme). C’est donc les glyphes que vous allez trouver tout au long du jeu qui vous pousserons à choisir telle ou telle sphère lymbique (voyez cela comme des éléments – feu, eau, vent, foudre – au cas où vous ne pourriez pas vous passer de comparaison).

En plus de cela, Rémi est épaulé (c’est le cas de le dire) par un drone, Kapi, dans lequel on peut insérer différents modules qu’il vous faudra découvrir pour les utiliser au combat – distraction d’un ennemi, blocage de projectiles, attaque sautée, etc – au prix d’un (parfois long) cooldown.


Maintenant qu’on sait comment attaquer, voyons comment se défendre, c’est là que le jeu devient intéressant. Notre personnage peut esquiver une attaque, ou la parer, au prix d’une portion de sa jauge d’endurance. Elle remonte avec le temps, mais sa gestion est centrale dans les combats de Hell is Us. Santé et Endurance sont toutes deux étroitement liées dans le sens où l’endurance maximum que vous possédez correspond toujours à votre niveau de santé actuelle. Si vous avez perdu la moitié de vos points de vie, votre endurance maximale sera aussi diminuée de moitié. Se soigner devient donc vital pour pouvoir de nouveau se mouvoir et attaquer, et ça tombe bien car en plus des classiques objets de soin (peu nombreux, mais n’hésitez pas à les utiliser, l’économie dans le jeu vidéo est une maladie contre laquelle nous devons tous lutter) une mécanique nous y aide fortement : l’impulsion de guérison. A chaque attaque portée à une ennemi, des particules lymbiques entrent en suspension dans l’air. Après quelques instants, ces particules se solidifient et forment un cercle blanc autour de Remi, qu’on peut soigner en appuyant sur le bouton correspondant à ce moment précis. On récupère de la vie (et donc de l’endurance) proportionnellement aux dégâts infligés par notre dernière attaque, et comme chaque attaque successive gagne en puissance, il faut trouver les l’équilibre entre choisir de se soigner peu, mais vite, ou attendre le 4ème coup de notre combo pour en récupérer un maximum, au risque d’être interrompu par un ennemi, auquel cas le cercle disparait. Entre le choix des armes, les glyphes, les modules de drone, l’esquive, la parade et la récupération d’impulsion, les combats de Hell is Us vous demanderont un sens du timing et des priorités, pour un résultat très satisfaisant une fois maitrisés.

Le petit bémol c’est que durant la totalité de l’aventure, le jeu nous met face à un seul type d’ennemi : les Hollow Walkers, entité errante aux mouvements erratiques et imprévisibles, qui ne représente pas de grosse menace seule, mais qui peut vite devenir ingérable en groupe, surtout si liée à un (ou plusieurs) Haze, cristallisation représentant une des émotions citées plus haut, qu’il faudra impérativement vaincre avant de tuer le Hollow Walker lui-même. Cette répétitivité peut faire peur, si ce n’était l’équilibre global du jeu maintenu par le rythme combat/exploration toujours à l’avantage de ce dernier, un renouvellement certain des patterns d’attaque des Hazes à chaque palier de menace (la difficulté des ennemis, I, II et III), et un moyen définitif d’éliminer ces menaces : les boucles temporelles. Disséminées dans chaque niveau et gardées par les Gardiens de Boucle, ces sphères géantes sont la raison pour laquelle les ennemis réapparaissent lorsque vous quittez la zone (précisons que par défaut, mourir dans un niveau ne fera pas réapparaître les ennemis, on n’est pas dans un Souls on vous dit…) mais également les sujets d’expérimentations pour certains individus peu scrupuleux d’Hadéa.

Les environnements sont superbes

A la découverte de Hadéa

Et des scrupules, vous n’en verrez que peu dans les yeux des deux peuples qui se déchirent la souveraineté d’Hadéa. Pourtant tous Hadéens à la base, des divergences religieuses et culturelles ont depuis trop longtemps creusé le fossé entre Palomistes et Sabinniens. Les auteurs de Rogue Factor nous dépeignent les atrocités de la guerre en faisant tour à tour de chaque peuple un loup ou un agneau, au travers de témoignages, de dialogues, de cassettes audio ou de documents à lire. Le travail abattu pour constituer un lore crédible est considérable, et le résultat est à la hauteur : sans jamais vous exposer directement à la violence abjecte de cette guerre, vous serrez le premier témoin de ses conséquences directes, et resterez parfois inconsolable devant le sort réservés aux victimes qui peuplent les deux camps. En ça, le jeu nous montre qu’il n’est pas facile, voir totalement vain de choisir un camp, ce que ne fait d’ailleurs pas Remi. Présenté comme un sociopathe en début de jeu, son absence d’émotion n’est pas qu’un tour de passe-passe narratif bien pratique, c’est aussi un élément de lore.

Pour progresser dans le jeu, combattre ne suffira pas et le chemin de Remi jusqu’à la vérité sera semé d’embuches. Une porte de bureau fermée, un ordinateur verrouillé, un lourd mécanisme de pierre séculaire qu’il faudra enclencher par divers moyens. Toutes ces énigmes, que le jeu appelle mystère sont le coeur du jeu voulu par Rogue Factor. Afin d’avancer vous devrez mettre tous vos sens à contribution, car la solution sera toujours sous vos yeux, quelque part. Dans la dizaine de zones à fouiller que comporte le jeu, indépendantes les unes des autres (une simple cinématique assure la transition d’un zone à l’autre, au moyen d’un véhicule récupéré pendant le prologue, à condition d’en avoir trouvé les coordonnées au préalable) on trouve une quantité phénoménale d’objets en tout genre constituant à la fois l’excellent lore de Hell is Us mais aussi les solutions à nos mystères. Parler avec un PNJ, lire un document ramassé en ou écouter une cassette audio sont autant de moyen d’avancer dans le jeu et de reconstituer la trame des évènements tragiques qui ont défiguré le beau paysage d’Hadéa.
Rassurez-vous, n’est pas Jonathan Blow qui veut, et ce n’était d’ailleurs probablement pas le but des développeurs. Hell is Us vous demandera un investissement certain en ne vous mettant à disposition aucune carte ni aucun point de repère (dès sa création le jeu se voulait anti-conformiste vis à vis des grosses productions actuelles qui ont tendance à guider le joueur à chaque pas) mais ne vous laissera pas tomber pour autant. Pour mener sa quête à bien, accomplir de bonnes actions (les quêtes de PNJ) et élucider les mystères (les énigmes optionnelles), Remi pourra s’appuyer sur une tablette Katoche qui prendra les rôles d’inventaire et d’encyclopédie, à l’image d’un Pip-boy dans Fallout.

Vous pourrez gérer votre équipement mais surtout consulter tous les objets ayant été ramassés ou les informations obtenues auprès des PNJ, en tout cas pour la quête principale. Pour ce qui est des bonnes actions, seul leur nom et le lieu concerné dont indiqués, il dépendra de vous de savoir où aller, quoi faire, à qui parler. Les PNJ ne vous demanderont pas directement de l’aide, mais leurs dialogues sont tellement explicites qu’il est difficile de ne pas comprendre leur besoin. De ce côté, je m’attendais à un peu plus de subtilité, au bout de quelques heures, chacune de ces interactions devient un peu trop téléphonée à mon goût. C’est pourtant souvent l’occasion que choisit le jeu pour vous dépeindre les horreurs de la guerre dont je vous parlais plus haut, sans crier gare. Il est possible de rater certaines quêtes et le destin qui attend alors ses protagonistes est parfois tragique. C’est au travers de ces évènements que le joueur sera marqué par le jeu, plus que par le scénario en lui même. La quête de Rémi passerait presque en arrière plan, permettant à l’univers de prendre au forme via son contenu optionnel.

La quêtes principale repose sur une recherche d’anciennes reliques permettant l’accès à une zone spécifique du jeu (dont l’ambiance les visuels sont un bol d’air frais dans le jeu). Le chemin vers chaque relique nécessitera une enquêtes intermédiaire, souvent à travers plusieurs zones, pour réunir tous les éléments nécessaire à son obtention. Je le répète mais terminer la quête principale ne représente pas un challenge insurmontable. Il est par contre clair que le jeu n’est pas destiné aux joueurs impatients, pour qui les dialogues et la lecture d’objet n’ont aucune importance. Le jeu n’est jamais pédant ni hautain, ne se veut pas cérébral comme un puzzle-game, mais vous pousse naturellement à l’exploration et l’observation, et c’est là son point fort.


Comptez une trentaine d’heures pour terminer l’histoire principale, et je pense dix ou vingt de plus pour boucler les bonnes actions et les mystères.

Je ressors de Hell is Us agréablement surpris et conquis par la proposition de Rogue Factor. Je ne déplore qu’un timing de sortie malencontreux, éclipsé par un certain Silksong. Je souhaite sincèrement que le jeu écope d’une couverture médiatique bien méritée, à laquelle je contribue via ces quelque mots.
A Hadéa, il y a des héros dans les deux camps. Le Mal est partout.

 

Au final

Les plus
  • Une ambiance très réussie
  • Un travail sur le sound design de haute volée
  • Des environnements variés
  • Un level design irréprochable
  • Un système de combat qui ne réinvente pas la roue mais qui fait les choses bien
  • Une bonne durée de vie
  • Un bon équilibre entre combat et exploration
  • Un univers sombre, sans compromis, sans pitié
Les moins
  • Un scénario un peu en retrait
  • Un rythme trop régulier, sans temps forts
  • Les dialogues utilitaristes qui auraient mérité un peu de subtilité
  • Le bestiaire limité qui peut lasser (ça n’a pas été mon cas)



Hell is Us sera disponible dès le 4 septembre sur PC, PS5 et Xbox Series, dans une version standard (vendue 49€99 ) et 3 jours plus tôt dans sa version deluxe (69€99) qui contient des bonus in-game (des skin pour Remi et son drone, un code secret) et un artbook numérique. Une démo est disponible pour vous faire votre avis.


Test réalisé en plus d’une trentaine d’heures sur PC, à la manette, en ayant raté quelques quêtes qui me laissent un goût amer en bouche, avec une clé fournie par l’éditeur que je remercie chaleureusement, et tout ça, complètement à l’aveugle.

Damien Chaffurin
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