Test de Shinobi : Art of Vengeance [PC]

Lizardcube n’en est pas à son coup d’essai. Avec le magnifique Wonder Boy, suivi de l’excellent Streets of Rage 4, le studio parisien nous a déjà prouvé tout son savoir-faire. 10 ans après sa création et malgré le départ d’un de ses fondateurs – Omar Cornut – il revient avec une autre licence mythique de Sega, plus ou moins laissée à la dérive, au grand dam de ses fans les plus hardcores : Shinobi.

Les origines du Shinobi

De 1987 à 1993, de la Master System à la Mega Drive, la série se popularise et sa réputation grandit. Un gameplay précis et exigeant, une difficulté au rendez-vous, un style visuel mêlant tradition et modernité, autant d’éléments auxquels ce nouvel opus veut rendre hommage.
Car si la saga fera une tentative ou deux en 3D sur PS2 – souvenez vous de cette écharpe rouge – puis plus tard sur 3DS, c’est bien des épisodes 2D dont Shinobi : Art of Vengeance, s’inspire.
Et particulièrement de Shinobi III : Return of the Ninja Master.


C’est pas gentil d’être méchant

Alors qu’il mène une vie paisible en compagnie de sa femme et de son chien, Joe Musashi voit son village attaqué par le Seigneur Ruse, à la tête de ENE Corp. Cherchant à conquérir le monde, mais craignant le pouvoir du clan Oboro, il dérobe sa faux à la Mort elle-même et s’en sert pour anéantir tous le clan d’un coup, ne laissant que notre célèbre Shinobi en vie, désormais en quête de vengeance.

Avec l’aide d’une alliée inattendue et de la Mort en personne, le ninja rescapé partira à la poursuite de Ruse à travers les 14 niveaux que propose le jeu.


Faire du neuf avec du vieux

On en a désormais l’habitude, le travail de refonte visuel de la part de l’équipe parisienne est démentiel. On retrouve bien sûr le style propre à Ben Fiquet – autre fondateur du studio et directeur du jeu – qui fait toujours aussi mouche depuis Wonder Boy. Entièrement réalisé à la main, le jeu est un régal pour les pupilles : les personnages et leurs artworks sont un régal, leurs animations sont soignées, les décors et arrière-plans grandioses. Même les ennemis ont du style. Beaucoup de superlatifs me direz-vous, c’est la rançon du succès, on manque parfois de mots. C’est donc un sans faute, d’autant que le jeu se plait à nous faire parcourir des zones très variées, ce qui ajoute à l’aspect voyage de l’aventure. Le mélange traditionnel et moderne typique de la licence s’envol vers de nouvelles hauteurs, particulièrement dans les derniers niveaux.

Les musiques ont aussi bénéficié de beaucoup de soin de la part de Tee Lopes – déjà à l’oeuvre sur les licences Sega depuis Sonic Mania – et de celui qu’on ne présente plus : Yuzo Koshiro, présent depuis The Revenge of the Shinobi, le deuxième opus de la licence, sorti en 1989.



Si tout cela ne s’arrêtait qu’à un simple ravalement de façade, Streets of Rage 4 n’aurait pas été le succès que l’on connait (environ 2,5 millions d’exemplaires vendus tout de même). A l’époque épaulé par Guard Crush Games pour la partie moteur et gameplay, Lizardcube prend cette fois la barre à pleine main, et nous prouve toute l’étendue de son talent. Oyé oyé moussaillon, nul besoin d’une mutinerie pour trouver le trésor, le capitaine nous y amène toutes voiles dehors.
Même sans être un inconditionnel de la saga, il faudrait être aveugle pour ne pas reconnaitre en Shinobi III le matériau de base qui a servi à la création de Art of Vengance. La tenue qu’arbore Joe, son moveset, le design des ennemis, les zones traversées, la trame globale de l’histoire, tout transpire l’amour et l’hommage au titre de 1993, mais aussi l’envie de mettre au goût du jour un gameplay un peu trop rigide à notre époque. On peut dire que la pari est réussi : on peut sauter (deux fois) s’appuyer sur les murs, faire une roulade, dasher en l’air. La mobilité est vraiment au coeur du jeu tant dans ses phases de plateformes – certaines obligatoires plutôt faciles et d’autres beaucoup plus dures mais optionnelles – que dans ses combats où tout a été pensé pour être enchainer de la manière la plus fluide possible. Après chaque mouvement, il est possible d’enchainer une attaque – faible ou lourde – et inversement : n’importe quel coup de pied ou de sabre bien placé peut aboutir sur une esquive spéciale qui permet de se replacer correctement et d’enchainer les combos. Jamais on n’a autant eu l’impression d’incarner un véritable Shinobi, rapide, insaisissable, létal.

Exécution de shinobi sur un ennemi marqué

Létal, à condition de prioriser correctement qui tuer d’abord, et comment. Si les ennemis les plus faibles meurent d’un simple kunai bien placé (comme à l’époque), les plus résistants encaisseront les coups sans trop broncher grâce à une nouvelle mécanique introduite dans le jeu : l’armure. Symbolisée par une barre blanche située sous la barre de vie, elle se remplit au fur et à mesure des attaques, particulièrement les attaques lourdes et les kunai. Une fois cette barre remplie, l’ennemi est toujours libre de ses mouvements – ce n’est donc pas une barre de stun classique – mais est marqué d’un symbole rouge, qui le rend sensible à l’exécution de shinobi : une nouvelle mécanique (inspiré du Tate de Shinobi PS2) qui tuera instantanément tout ennemi justement marqué, peu importe sa vie restante. L’animation est nerveuse, le bruit très satisfaisant et le temps ralenti légèrement au moment du déclenchement : simplement jouissif. On en redemande.


Cette mécanique est donc au coeur des affrontements, et le jeu nous pousse à l’utiliser le plus souvent et le plus efficacement possible. Plus on tue de cibles simultanément plus on est récompensé par des kunai, de la santé, et de l’argent. Et c’est particulièrement important! Les kunai sont limités en nombre et très utiles pour marquer les ennemis, la santé ne peut se regagner que de cette manière, et l’argent sert à acheter des objets dans la boutique, mais j’y viens.

Les ninpô, petits bonbons visuels

Pour parfaire cette panoplie, Joe dispose de différentes techniques, inspirées des anciens opus. Les ninpô, techniques spéciales qu’il peut déclencher lorsque la barre dédiée est remplie (en frappant les ennemis) permettant de cracher du feu, parer et contrer une attaque, toucher plusieurs cibles en même temps, détruire l’armure des ennemis. Les Ninjutsû, techniques ultimes qui ont aussi leur barre dédiée dite de rage, qui se remplit au fur et à mesure des ennemis vaincus et des dégâts subis, permettant de se soigner ou d’occasionner de gros dommages aux adversaires.


C’est ma voie, c’est mon nindo

Pour arriver à assouvir sa vengeance, Joe Musashi et sa verve légendaire traverseront des régions aux niveaux variés, mais malheureusement tous construits de la même manière. A chaque entrée dans une nouvelle zone, la progression est entravée par une ou des portes verrouillées par des leviers qu’il faudra actionner pour avancer. C’est vite redondant, ce manque de surprise donne à l’aventure un côté prévisible un peu lassant, bien heureusement contrebalancé par le flow ininterrompu des combats qui s’enchainent et maintiennent le rythme. Dans un niveau comme celui du laboratoire – plus vaste et moins linéaire – le rythme est haché par une exploration trop hasardeuse, et le level design sans véritable génie rend la progression un peu confuse.
Pour développer au maximum les capacités de Joe Musashi, il faudra explorer de fond en comble chaque niveau, afin de trouver les secrets qui y sont dissimulés. Ici non plus, pas vraiment de surprise : à chaque fois il y a 2 ou 3 coffres, 5 reliques servant à débloquer de nouveaux objets dans la boutique, 3 affrontements secrets, et un niveau bonus. Le bon point, c’est que durant la première moitié de l’aventure, Joe ne dispose pas de toutes les améliorations – appelées ningi – qui lui permettent d’atteindre tous ces secrets. Pour compléter un niveau à 100%, il faudra inévitablement revenir en arrière mettre à profits nos nouvelles capacités. L’équilibre est plutôt bon, le voyage rapide nous épargne de trop long aller-retours, ce n’est jamais trop dur à trouver, ni trop évident, et les passages de plateformes n’exigent pas une grande minutie de votre part, loin d’un certain Hollow Knight.
Cependant, certain niveaux secrets basés uniquement sur de la plateforme nécessiteront un peu de concentration mais ne sont pas trop longs. J’aurai aimé voir un peu plus de folie là dedans, par exemple mettre à contribution les kunai et l’exécution de shinobi dans un passage de plateforme pour atteindre des endroits autrement inaccessibles. Je pense qu’il y avait plus à faire que ce qui était proposé. De ce côté, je suis un peu resté sur ma faim.

Les passages de plateformes auraient pu être plus complexes


Tous ces secrets découverts permettent d’améliorer le ninja pour le rendre plus fort : plus de combos, plus de vie, plus de kunai, et un système d’amulettes qui donnera un peu de personnalité aux combats. Il en existe deux types, les premières sont passives et confèrent une bonus immédiatement (des jauges qui se remplissent plus vite, des soins plus efficaces, des kunai font plus de dégâts, etc) et les autres doivent se mériter : elle ne se déclenchent que lorsqu’un certain seuil de combo est atteint (15, 20 parfois 30 coups) mais dispense un bonus conséquent (augmentation des dégâts, amélioration de ninpo, gain d’argent, etc). Pas de quoi créer un build qui serait game changer, mais de quoi faire un peu pencher la balance en votre faveur, et de les accorder à votre style de jeu.


Tout le monde peut devenir un ninja

Côté challenge je le disais, certains passages optionnels demanderont un peu de patience et de précision, mais les combats sont dans leur grande majorité plutôt faciles. Je pensais que le jeu finirait par nous noyer sous les vagues d’ennemis, mais même les affrontements secrets restent sages. La lisibilité reste intacte mais j’ai le sentiment que ça ne serait rapidement plus le cas en augmentant le nombre de cibles à l’écran. Il en va de même avec les boss qui n’offrent pas ou peu de résistance. Ils possèdent peu de patterns – qui son très lisibles de surcroît – et un rythme d’attaque peu soutenu, même en toute fin de jeu. Certain d’entre eux sont même figés dans un bord de l’écran – hommage aux anciens épisodes – et servent de puching-ball. C’est là le gros point positif à cela, et je pense que c’est le coeur du jeu : ils sont d’énormes défouloirs contre lesquels on enchaine les combos et on déchaine nos ninpô. En ça, le titre de Lizardcube fait très bien les choses et propose quelque chose de très viscéral, même si j’en aurai voulu plus. Ca tombe bien, car une fois le jeu terminé, un mode Boss Rush est disponible, de même qu’un mode arcade qui permet de retraverser les niveaux sans les cinématique ni didacticiels et recevoir un score à la fin, à l’ancienne.

Stage intermédiaire entre les zones qui évoquera de bons souvenirs aux vétérans



Au cas où le jeu s’avérerait trop difficile, l’équipe prévient dès le début du jeu que des options d’accessibilité sont disponibles pour personnaliser son expérience. On peut par exemple diminuer la santé des ennemis ou réduire le seuil de combo nécessaire au déclenchement d’une amulette. Ca ne casse pas le jeu, et ça permet à tout le monde d’en profiter. A noter que le jeu possède aussi trois niveaux de difficulté pré-établis qui jouent sur ces paramètres : novice, apprenti, et shinobi qui est le mode de base dans lequel le jeu se lance.

A kunai tirés

Côté durée de vie, comptez moins de 20h pour tout explorer à 100%, et peut-être 10 de plus de si vous souhaitez finir chaque niveau du mode arcade en rang S, et triompher du Boss Rush. Une durée de vie très et honnête et une bonne rejouabilité qui pourrait bien faire grandir le compteur d’heure.

Avec Shinobi : Art of Vengeance, Lizardcube témoigne encore une fois de son amour pour les licences classiques de Sega. Il n’est pas question d’uniquement surfer sur une vague nostalgique, mais bien de faire revivre les sensations d’époques avec les standards d’aujourd’hui. Initiés et néophytes y trouveront chacun leur plaisir pour des raisons différentes, mais tous seront probablement d’accord : le titre est une vraie réussite et une véritable revanche pour cette licence culte, qui ne demandait qu’à briller de nouveau.

 

Au final

Les plus
  • C’est visuellement sublime
  • Le gameplay réactif et nerveux
  • Les sensations viscérales et satisfaisantes
  • C’est aussi un régal pour les oreilles
Les moins
  • C’est un peu timide sur la plateforme
  • Ca manque un peu de challenge
  • La progression dans les niveaux peu variée

Shinobi : Art of Vengeance sera disponible dès le 29 août sur PC, PS4, PS5, Switch et Xbox Series, dans une version standard (vendue 29€99 ) et 3 jours plus tôt dans sa version deluxe (39€99) qui contient des bonus in-game (des amulettes et une tenue) une mini bande-son et un artbook numérique. Vous bénéficierez de 10% de réduction en précommandant. Une démo est disponible pour vous faire votre avis.

 

Test réalisé en une vingtaine d’heures sur PC, à la manette, en ayant complété chaque zone à 100%, avec une clé fournie par l’éditeur que je remercie chaleureusement, et tout ça, le sourire aux lèvres.

Damien Chaffurin
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